« Du temps pour Soa », c’est une merveilleuse opportunité d’encrer quelques musiques qui m’émotionnent…et comme l’a dit Jim Morrison, « nous nous cachons dans la musique afin de nous dévoiler ». Je saisis donc ma plume pour parler de certains artistes, que j’ai par ailleurs eu la chance de voir se produire sur scène, qui m’ont tant touché par leur virtuosité, leur générosité, et leur belle complicité.
La Musique me ressource, m’évade, me bouscule, et m’invite à me (dé)poser et me laisser traverser par des atmosph’airs variées. A cet instant, après le confinement et son flot de « silences imposés », j’éprouve une profonde gratitude pour chacun des moments suspendus à bout de cordes vocales ou instrumentales « dans tous leurs états », que j’ai vécu dans la salle du Théâtre des Bouffes du Nord ces dernières années. Cette salle, classée monument historique depuis 1993, et réputée pour sa très belle acoustique, a la particularité de permettre par sa disposition de rapprocher le public et l’artiste avec un parterre en arc-de-cercle. Cette proximité participe à vivre tous ensemble une expérience humaine puissante dans un décor dépouillé mais chargé d’histoires. Le spectacle vivant s’y déploie en effet au cœur d’un édifice dont la patine des murs porte les traces d’incendie voire d’oubli, avant la renaissance de ce lieu de créations en 1974 sous la direction de Peter Brook et de Micheline Rozan.
Je me souviens des palpitantes soirées musicales, à savourer tantôt la sérénité ambiante de « Chamber Music » avec le duo Vincent Segal au violoncelle et Ballaké Sissoko à la kora (instrument emblématique de l’Afrique de l’ouest, associé à une harpe-luth), tantôt les envolées au piano du japonais Koki Nakano. Ce dernier interprétait pour la première fois en live, accompagné de Vincent Segal, les pièces de son album de musique de chambre contemporaine « lift ». Je me rappelle de cette chance d’en prendre plein les yeux et les oreilles, en voyant leurs doigts virevolter allègrement sur les cordes, et l’explosion de joie face à l’intensité du jeu de chacun des protagonistes. Chaque soirée se clôturant par une floraison de sourires et d’applaudissements du public enchanté et plus que ravi de vivre ces moments-là.
Après avoir fait écho de ces inoubliables et précieux souvenirs en bord de scène, j’ai envie de te parler de certaines pépites sonores qui fleurissent chez No Format!, label de musique indépendant qui dévoile des projets atypiques.
Tout d’abord, l’album « Chamber Music » enregistré à Bamako (2009) a été ma première révélation avec le merveilleux duo de cordes formé par Ballaké Sissoko, joueur de Kora malien (instrument avec une vingtaine de cordes pincées) et Vincent Segal, talentueux violoncelliste multipliant les expériences musicales de tous horizons. Les deux musiciens nous charment à travers leurs conversations instrumentales mélodieuses. Et, les yeux fermés, nous nous retrouvons instantanément propulsés dans un agréable cocon où flottent deux sensibilités qui vibrent à l’unisson. Je me souviens combien son écoute quotidienne avait été, et reste encore aujourd’hui, particulièrement apaisante. Souvenir marqué par le plaisir d’avoir entendu cet opus éclore sur scène, et d’avoir été happée par ce fascinant « tête à tête » musical, avant d’avoir pu échanger, le regard illuminé, quelques mots avec les deux artistes en les remerciant de vive voix de tant de partage qui touche au cœur.
Un CD insolite qui me transporte aussi Ailleurs, c’est l’album acoustique « Songs of Time Lost » (2014) réunissant des interprétations épurées de deux amis de 20 ans, Piers Faccini (voix , guitare) et Vincent Segal, qui revisitent des chansons napolitaines, contemporaines ou cocréées ensemble. Outre le plaisir de m’enivrer de cette complicité récréative, c’est aussi l’occasion de découvrir des trésors du passé, notamment avec la touchante reprise du morceau « Quicksilver daydreams of Maria » du chanteur, auteur-compositeur américain Townes Van Zandt. Et puis, au printemps 2021, deux albums qui me sont chers, ont pris leur envol, « Shapes of the fall » de Piers Faccini et « Djourou » de Ballaké Sissoko.
Ballaké Sissoko dit de « Djourou » qu’il s’agit de la corde (en bambara) qui le relie aux autres. Son merveilleux album est un disque de rencontres où à travers sa curiosité, il va créer des duos inédits. Impressionnant par ses silences et sa dextérité, le virtuose malien aime entremêler la musique traditionnelle africaine aux univers d’ailleurs, aux voix comme celles de Salif Keita, d’Oxmo Puccino, de Camille ou d’Arthur Teboul, le chanteur du groupe de rock Feu! Chatterton. Tout au long du voyage émotionnel et sonore qu’il nous propose, nous ressentons le plaisir réciproque de chaque artiste de partager une partie de leurs univers et de nous embarquer dans leurs aventures. D’ailleurs, dans un entretien, le rappeur franco-malien Oxmo Puccino, a évoqué le côté magnétique de Ballaké Sissoko qui est « une part d’histoire de la musique malienne » et qui « tisse de la musique par son ballet de doigts sur des dizaines de cordes ». Arthur Teboul ajoute que le son de la kora est hypnotique et que c’est une sorte de source qui se déverse. Ainsi, cet album, projet très original, nourrit notre imagination et célèbre le partage.
Piers Faccini, auteur-compositeur-interprète, peintre et photographe anglo-italien, a également sorti en avril 2021 son album « Shapes of the fall » (les formes de la chute), chez No Format ! Cet album m’évoque une invitation aux voyages, toute en couleurs musicales entrelacées entre folk et musiques du monde ; avec des chants vibrants tout en délicatesse qui y résonnent de bout en bout. Milan Kundera dit que la musique est une pompe à gonfler l’âme, aussi, je souhaite te partager le ressenti de mon premier concert de l’année, le 16 juin 2021 au Trianon, au pied de la Butte Montmartre. Une soirée au balcon du théâtre parisien, d’autant plus spéciale qu’en plus de retrouver le plaisir de baigner à nouveau dans l’émouvante atmosph’air de Piers Faccini, j’allais me délecter du florilège des captivants morceaux de son dernier album « Shapes of the fall » disponible sur son label Beating Drum
Que d’Emotions pour ce premier live 2021…car tout au long du concert, se ressentait de part et d’autre de la scène, cette énorme joie de retrouver le partage de la musique en chair et en os et de se laisser traverser par les rythmes ambiants. Après la dynamique Yelli Yelli en première partie, entrait Piers Faccin,i accompagné de 4 musiciens (une violoniste, une violoncelliste, un batteur et un joueur de guembri) qui nous ont happé progressivement avec 3 morceaux mélancoliques, prémices au voyage vers l’espoir et la lumière dans lequel il souhaitait nous transporter .
A travers ses mots dits sur scène, exprimant tant son plaisir d’être là que les messages forts véhiculés par son dernier album, il a interpellé sur l’écosystème en péril et la nécessité d’agir pour voguer tous ensemble dans la même direction avec l'entêtant « all aboard », morceau chanté avec Ben Harper et Abdelkebir Merchane. S’entremêlaient des sons méditerranéens de tous horizons, et comme à chaque fois, il enchantait par ses orchestrations renouvelées sur des morceaux phares comme « home away from home » (qui me donne toujours autant de frissons et d’émotions que la première fois où j’ai entendu cette chanson le samedi 25 juillet 2009 lors du festival Fnac Indétendances en me baladant près de l’hôtel de ville de Paris).
Une soirée mémorable pour la magie qui s’est opérée en découvrant ses nouvelles chansons s’envoler dans les oreilles du public, qui a accompagné en chœur quelques titres, notamment « Dunya » qui signifie « la vie ». Un joli moment de partage pour faire le plein de good vibes et ancrer les chansons qui émotionnent, pour réveiller les énergies et danser la vie…
Je te souhaite de belles rencontres musicales et de faire le plein de découvertes en te baladant au coeur de la collection d'opus du label indépendant No Format !
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