Grâce à la newsletter de Potemkine Films (lieu insolite parisien situé au 30 rue Beaurepaire rempli de de belles découvertes DVD ou raretés cinématographiques), j’ai eu vent de la sortie du film d’Ilan Klipper « Funambules » dont le titre m’a captivé...
Il s’agit d’un film hybride mêlant le documentaire à la fiction ayant pour synopsis : « Personne ne sait de quoi est faite la frontière qui nous sépare de la folie. Personne ne sait jusqu’à quel point elle résiste. Aube, Yoan, Marcus, eux, ont franchi le seuil. Ils vivent de l’autre côté du miroir ».
« Funambules » est un film audacieux qui nous invite à tenter de nous immerger dans le monde intérieur d’Aube, Yoan et Marcus (vivant chacun avec des troubles du comportement plus ou moins obsessionnels) en partant à leur rencontre dans quelques scènes de la vie quotidienne à la sortie de l’hôpital psychiatrique.
Aube est une jeune femme presque trentenaire vivant chez ses parents, qui répète en boucle certaines pensées à longueur de journée comme pour se rassurer. Elle aime les pierres précieuses, la gymnastique et apprécie de mettre en scène sa vie en donnant une place particulière à certains objets qui l’entourent. Elle est aussi une danseuse qui aime se mouvoir devant la caméra avec grâce et qui aspire à rencontrer son prince charmant pour partager sa vie. Elle en a une idée très précise car elle veut avoir à elle un « punk »« beau avec une boucle d’oreille » qui lui écrirait une déclaration d’amour.
Parmi les portraits tout en singularité qui animent ce « docu-fiction », il y a Yoan qu’on voit marcher à grand pas dans les jardins d’un service de psychiatrie, tout en soliloquant et déclamant à tout va sa rage et les vives émotions qui le traversent. Il évoque beaucoup ses ressentiments contre son père qu’il juge coupable d’abandon ayant condamné sa famille à la précarité, mais il lui crie aussi tout son amour et la douleur de son absence. Il se dégage de ce jeune homme, une fragilité mêlée de colère et tel un funambule il marche devant nous comme sur une corde raide…
Parfois, habité par la créativité, il slame ainsi : « Dehors, c'est beaucoup plus dur, les gens ne rigolent pas, ils disent qu'on est faible, qu'on est nul. Mais moi je crois en le soleil. Eclaire-moi, soleil »
On fait aussi la connaissance de Marcus, aux cheveux blancs ébouriffés, atteint du syndrome de Diogène (une pathologie psychiatrique qui se caractérise par une accumulation compulsive et engendre des conditions de vie négligées), qui vit seul dans un grand appartement envahi par des objets et des détritus. Ce dernier trouve son plaisir à s'entourer d'objets récupérés qui l'émerveillent et qui suscitent l'incompréhension de son entourage.
Dans ces contes de la folie ordinaire, s'entremêlent une sensibilité poétique et une réalité complexe et dissonante, où chacun se livre et nous invite à nous questionner sur nos propres failles et notre capacité de résilience.
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