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Quelle excellente et émouvante soirée vécue au théâtre de Bobino le mercredi 23 novembre, à l'occasion de la finale du concours de l'éloquence du bégaiement. Un évènement, accessible aux personnes sourdes et signantes, partagé par 900 personnes dans le public à la découverte de discours authentiques de 6 finalistes aux plumes inspirées.


La prise de parole en public est une des « peurs » les plus fréquemment citées quand la question se pose. Et, l’existence d’un concours d’éloquence du bégaiement m’a interpellé.


Déjà impressionnée par les parcours de jeunes étudiants dans le documentaire français « à voix haute » (2016) évoquant le concours «Eloquentia » à l’université de Saint-Denis pour élire le meilleur orateur du 93, la perspective de défendre son point de vue tout en composant avec des troubles de la parole, est une invitation à ouvrir le champ des possibles.


Quel florilège d’émotions en assistant à cette palpitante aventure humaine de Sami, Gaëtan, Sara, Halima, Guillaume et Maëva, au cœur d’une salle remplie de 900 personnes, impatientes comme moi, de voir la parole se libérer, et nous bousculer.


La soirée de la 4ème édition du concours d'éloquence du bégaiement, en présence de l'avocat et spécialiste de l'art oratoire, Bertrand Périer (membre du jury), démarre par quelques mots d’introduction de Mounah Bizri, président de l’association « l’éloquence de la différence » visant à « réinventer l’éloquence pour promouvoir l’acceptation de la différence » à travers des formations et des concours d’éloquence.


Créer cet évènement, c’est parler du bégaiement (trouble de la parole qui se manifeste par la répétition saccadée d’une syllabe et l’arrêt involontaire du débit des mots) de manière positive, comme une aventure humaine pour oser être soi, différent et unique ! Et ne plus vivre le bégaiement comme une souffrance et une source de frustrations et de freins dans la vie ; mais comme une manifestation de la persévérance, de la ténacité et de courage.


Ce concours, c’est donner l’opportunité aux personnes qui bégaient de monter sur scène, de se livrer avec leurs tripes, et de gagner confiance en leur parole et leurs mots progressivement… au fil des épreuves menant à la grande finale, au fil d’entraînements avec des orthophonistes, des spécialistes de l’art oratoire pour faire attention à leur regard, leur posture et leur gestuelle pour oser (enfin) être pleinement soi !


C’est être fier(e) de participer, de s’exposer et d’avoir osé partager des choses authentiques en écrivant un discours qui leur ressemble, et qui vibre de manière universelle. C’est avoir envie d’être compris et de ne pas être prisonnier(e) des mots qui trébuchent. L’éloquence leur permet de s’exprimer enfin, et d’arrêter d’être des victimes pour cheminer vers l'acceptation et l'affirmation de soi. En effet, Mounah Bizri souligne qu’« au-delà du trouble de la parole, le bégaiement est un handicap pour communiquer et a un réel retentissement sur la vie sociale ».


A l’issue de la finale captivante et touchante, ayant pour thèmes à argumenter : « Faut-il chercher à décrocher la lune » ; « y a-t-il un sens à la vie ? » et « la parole est-elle le propre de l’homme ? », ont été décernés 6 prix : le prix de l’émotion, de l’humour, de l’originalité, de l’engagement des idées, de la plume, et celui de l’authenticité.


Et le grand prix du jury a été attribué à Gaëtan qui nous a fait rire et ému par sa vulnérabilité, et dont le plaisir de s'exprimer et de partager était évident.



Après la bouleversante surprise en salles obscures « Girl » en 2018, primée de la « caméra d’or » à Cannes, j’étais impatiente de découvrir le deuxième long métrage « Close », du réalisateur belge trentenaire, Lukas Dhont.


Le film démarre par des murmures puis deux ombres qu’on entrevoit dans un bunker, avant leur échappée belle au milieu de la nature, et que la lumière jaillisse de l’écran avec la joyeuse course folle de deux jeunes garçons au milieu d’un champ de fleurs colorées.


Le décor est planté avec cette douce ambiance animée par les jeux et rires de l’enfance : plaisir certain de Léo et Rémi, 13 ans, de partager du temps ensemble, de sprinter plein sourire à vélo, de refaire le monde en dormant ensemble régulièrement, en agissant comme des frères très affectueux naturellement l’un envers l’autre. De plus l'intégration de Léo dans la famille de Rémi, au coeur des repas familiaux chaleureux où chaque membre se taquine naturellement contribue à accentuer l'intensité de cette jolie relation.


Et puis, vient le temps de l’entrée au collège, où brusquement cette forte amitié masculine, et son flot de gestes tendres (tête déposée sur l’épaule, sourires complices, corps qui se frôlent lors des siestes sous le soleil) est chamboulée dans la cour de récré par le jugement des autres : « Est-ce que je peux poser une question ? Est-ce que vous êtes ensemble ? » « Non, on est pas en couple ! on est meilleur ami ++ et même quasiment frère » « Peut-être que vous assumez pas ! ».


Ainsi, après les premières minutes parfumées des joies partagées de l’enfance et d’instants d’insouciance, notre regard est saisi par la complicité fusionnelle et sensuelle de Léo et Rémi qui vole progressivement en éclat jusqu'à un drame (im)prévisible. En effet, au fil de leur nouveau quotidien scolaire, le poids des rumeurs, l’ombre des interrogations existentielles de l’adolescence, l’intensité des silences, et l’ampleur des non-dits…creusent irrémédiablement la distance entre eux ; laissant l’un des deux compères, pétri d’incompréhensions de ce changement « brutal » de comportement avec l’éloignement de son meilleur ami.


Dans son nouveau film, Grand Prix du Festival de Cannes en mai 2022, une fois encore intense et bouleversant, Lukas Dhont aborde tout en délicatesse le passage entre l’enfance et l’adolescence et, notamment la fragilité de l’amitié masculine confrontée aux préjugés de la société. « Close » représentera la Belgique aux prochains Oscars 2023.



Quel bonheur de retrouver le chemin des salles obscures après une pause estivale à Montréal et de se retrouver le coeur en bandoulière, suspendu à des histoires et personnages particulièrement touchants, et les yeux brillants d'émotions intenses, entre larmes vives et /ou rires contagieux...

Après avoir eu un énorme coup de cœur en automne 2021 pour le film « les intranquilles » avec Damien Bonnard, il me tardait de découvrir sa nouvelle interprétation dans « le sixième enfant », film primé au festival francophone d’Angoulême (prix du meilleur scénario, prix de la meilleure actrice ex-aequo attribué à Judith Chemla et Sara Giraudeau, prix du public et de la musique).


Et, une fois encore, dans un registre différent, « Le sixième enfant » est une histoire d’amour puissante à portée de regard. Premier long métrage du trentenaire Léopold Legrand, dédié « à ses mamans », et inspiré du roman d’Alain Jaspard « Pleurer des rivières », ce film nous embarque dans la Rencontre de deux couples réunis autour d’un échange impensable…


Julien et Anna (Benjamin Laverhne et Sara Giraudeau), jeune couple d’avocats, éprouvé par l’impossibilité de créer une famille malgré de nombreuses tentatives des années durant, rencontrent Franck et Mériem (Damien Bonnard et Judith Chemla), un couple de gens du voyage, parents d’une famille nombreuse qui vont être confrontés dans leur vie très précaire à la naissance d’un sixième enfant.


On rentre ainsi dès les premières minutes, dans l’intimité de ces personnages éprouvés, tant par la douleur vive d’un désir de maternité inassouvi, que par l’impuissance de subvenir correctement à la naissance d’un sixième enfant en parallèle et le choix d’y renoncer.


Deux trajectoires de femmes se dessinent à l’écran avec cette envie folle de donner un bel avenir à cet enfant, en décidant d’un échange improbable, passible de lourde amende et d’emprisonnement…entraînant dans leur aventure insensée, leurs maris désarmés : « Vous, vous arrivez pas à en avoir ; c’est mal foutu, quoi » « on pourrait peut-être s’arranger » ; « on s’est juste dit qu’avec vous, l’enfant il sera bien »...


Quelle joyeuse et bouleversante escale en salle obscure ce week-end, lors de la projection du quatrième film de Louis Garrel « L’innocent », diffusé et acclamé en avant-première à la soirée du 75ème anniversaire du festival de Cannes hors compétition officielle.


Emotion particulière de voir son travail de réalisateur/scénariste, après l’avoir beaucoup apprécié et découvert comme acteur dans la comédie musicale de Christophe Honoré « Les chansons d’amour » en 2007.


Entre (sou)rires, pointes d’actions, filatures burlesques, et larmes de vives émotions, ce film tout en originalité nous bouscule et nous fait un bien fou ! Il mêle différents genres à l’écran et nous émerveille, entre le polar familial, la comédie romantique, une histoire de braquage et beaucoup d’humour autour de quatre personnages aussi vulnérables que maladroits et captivants, les uns que les autres.


« L’innocent » raconte les tribulations d’Abel (Louis Garrel), de nature anxieuse et mélancolique avec sa meilleure amie Clémence (Noémie Merlant), après le mariage saugrenu en prison, de sa mère Sylvie (Anouk Grinberg), actrice fantaisiste et solaire, avec Michel (Roschdy Zem) . Michel est un charmant détenu, fou d’amour pour sa mère, qu'elle a rencontré à un atelier théâtre animé derrière les barreaux.


En effet, Abel voit d’un très mauvais œil cette union qu’il considère farfelue, et craint que son nouveau beau-père fasse du mal à sa mère en replongeant rapidement dans des casses ou des affaires illégales.


Louis Garrel, évoque souvent en interview, que dans son enfance, il n’a pas pu assister, mineur au mariage de sa mère avec un prisonnier rencontré en animant pendant quelques temps des ateliers théâtre dans le milieu carcéral. Et, ce film démarre dans un rythme trépidant avec Sylvie embarquant son fils Abel, dans une folle virée en voiture, à l’insu de son plein gré…


Le film nous happe dès les premières secondes, au cœur d’une ambiance tendue et décapante et donne le ton savoureux et fantasque d’une histoire intrigante, parfois hilarante et surprenante jusqu’au bout, et des diverses relations qui se tissent ou se transforment entre les personnages. Louis Garrel jongle avec différents registres et nous régale d'un souffle de liberté et d’inventivité rafraîchissant…


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